Eitaro vs Coco : Frictions at the Electrodome

Eitarō ne prononça pas un mot lorsque la répartition des combats s’afficha à l’écran, et se contenta de jeter un rapide coup d’œil vers son adversaire avant de se diriger vers la salle où son équipement avait été entreposé. Une bobine d’un câble métallique, une boite plutôt plate contenant de petites pinces également en métal aux mandibules arrondies et lisses sur l’extérieur et enfin deux bouteilles grises opaques semblables à des thermos. Vêtu de son costume noir habituel, l’étudiant de Dangai fit glisser une pince dans chacune de ses manches puis accrocha les quatre autres sur le pan intérieur de sa veste. Il vérifia rapidement que ses chaussures étaient bien lassées puis retira sa montre et attrapa la bobine et les deux bouteilles. À peine la porte s’ouvrit que le brouhaha de la foule irradia Eitarō. Ses yeux bleus parcoururent les gradins et la grande salle puis il se mit à avancer tranquillement vers le ring, sans faire de signe distinctif ou de salut particulier aux caméras ou aux spectateurs. Dans sa main droite, la bobine enroulée autour de son support, dans sa main gauche, les deux bouteilles.

[ C’est bruyant. ]

Comparé aux tests visant à évaluer les aptitudes des espers ou les différentes expériences -liées ou non au système scan- auxquelles Eitarō avait participé, cette masse de spectateurs était bien trop criarde à son goût. Il n’était pas réellement intimidé cependant, il avait déjà dû exposer ses compétences ou présenter des sujets devant un large auditorium à plusieurs reprises, mais toute cette agitation risquait de lui donner un mal de tête s’il restait sous les feux des projecteurs trop longtemps.

L’étudiant de Dangai pénétra dans le ring et déposa la bobine ainsi que les bouteilles sur le sol à côté de lui, respectivement à sa droite et à sa gauche. Enfin, il posa son regard morne sur celle qui lui faisait face. La jeune fille à la peau mate semblait débordante d’énergie, souriait de toute part et était, en somme, l’exact opposé de ce qu’il représentait lui. Cernes marquées, expression absente et immobilité quasi-totale, Eitarō se fit la réflexion que les supporters devaient être plus nombreux dans le camp adverse que dans le sien. Pourtant, la différence de niveau était là. Lui était niveau 4 mais elle représentait l’écrasante majorité des espers dépassant le niveau 0. « Donut Rub », niveau 1. Altération du coefficient de friction. L’universitaire nota cependant la largeur des épaules et de la taille de la jeune fille. À défaut d’avoir entrainé sa capacité jusqu’à un niveau plus élevé, il était clair qu’elle était soumise à un entrainement physique.

[ Probablement régulier. ] pensa brièvement Eitarō avant de prendre la parole, à l’instar des autres participants avant lui.

« Eitarō Kimura, enchanté. »

Le combat allait commencer d’une seconde à l’autre désormais. Une chose était sûre, si elle parvenait à s’approcher de lui, Noah Amber aurait définitivement l’avantage. Le jeune homme ne poussa pas ses pensées plus loin, il n’avait pas la volonté d’être rigoureux cette fois-ci. Ça n’était pas pendant cette compétition publicitaire que tout se jouait.

Le sifflet retentit soudain et, d’un mouvement presque machinal, Eitarō leva la main droite vers la jeune fille, l’autre restant le long de son corps, droit comme un I. Aussitôt, le câble s’éleva dans les airs et fusa en direction de la lycéenne, se déroulant de la bobine dans le même temps. Tel un serpent, il plongea sur sa cible avec un but bien précis : d’abord s’enrouler autour de la taille, puis des jambes et enfin des bras et des épaules, plus aucun mouvement ne risquerait de la défaire de l’étreinte à ce stade. Ceci dit il y avait une raison pour laquelle la taille était visée en priorité ; Si Noah avait été un esper avec une capacité différente et ou un niveau plus élevé la chose aurait été différente, mais friction réduite ou non, Eitarō avait confiance en ses capacités à gagner un combat de force avec son esprit.

Un tournoi de pouvoir d’esper ! Rien que ça ! Un vrai de vrai tournoi de combat où allait se retrouver la fougue de la jeunesse, la foule en délire… Des cris, des larmes, des applaudissements, de la haine et surtout, de l’amour, des amitiés renforcées, des rivaux en devenir ! Tout ça en joignant le fer le pied sur le terrain et les mains levées. Qu’est-ce qu’il y avait de plus pur que cela dans ce monde, à part une bonne grosse poignée de beignets fraîchement sortis de l’huile ? Même en usant d’imagination, Coco n’avait pas été en mesure de trouver (il faut dire qu’elle n’était pas une lumière quand il fallait chercher plus loin que ses lubies du moment).

C’était comme ça que c’était parti. Hana avait rejointe, puis le club de boxe, Angelise, et elle avait même entendue qu’Hikaru avait été attirée par l’idée ! Franchement, n’était-ce pas juste une occasion en or de voir comment tout l’monde avait réussit à grandir, à s’élever au dessus des problèmes et à les affronter ? Et si là-bas, sur le ring, d’autres âmes en peines erraient encore dans le noir à la recherche d’un but… Coco serait là pour les encourager. Le fait qu’il n’ait pas été possible de postuler comme bénévole dans l’équipe de soin cependant, embêta rapidement Coco. C’est que participer sérieusement au tournoi n’était pas ce qu’elle recherchait au départ, même si elle y avait postulée tout autant, et même fait une demande de matériel.

Le club s’était éloigné rapidement en direction des gradins, s’attendant à ce que Coco suive. Angelise évidemment, toute pleine d’éléctricité qu’elle était, leur avait rapidement fait un coucou en se pressant dans la salle d’attente. Le choix était donc entre les mains de Coco. Evidemment, elle n’eut pas à réfléchir longtemps. Serrant fièrement dans ses bras ses amies qui essayaient tant bien que mal de remplir leurs poumons d’air, elle laissa voleter ses dreadlocks en arrière, appuya avec sa chaussure devant la porte, puis vint la traverser. Si elle ne pouvait pas participer en même temps dans l’équipe médicale en bénévole, qu’importe ! Il restait que le défi et l’excitation était là… Et son choix se retrouva rapidement être le bon.

Wil-chan ! Izayoi-chan, dit Kobe Junior ! Et évidemment, sa colocataire et partenaire de dortoir, Hikaru-chan. Qui était-elle pour refuser de les suivre sur la glorieuse route parsemée d’embuches qu’était ce tournoi ? Quelle importance que l’issu, tant que le fun était présent ! C’était tout l’idée du projet. Evidemment, c’eut été plus fun si Coco n’avait pas faillie arriver en retard. Passant trop de temps derrière la porte, elle piqua un sprint colossal en renversant une plante sur le chemin en voyant que le temps jouait contre elle. La grandeur de l’espèce humaine, cette race supérieure à toute autre forme de vie, lui donnait la confidence que sacrifier cette plante était nécessaire pour sauver une grande partie de ses congénères. Malgré cette pensée rassurante, elle ne put s’empêcher de verser quelques larmes pour Kiki, la plante qui n’avait pas survécu à sa course.

Finalement, elle poussa un sprint dans l’autre sens pour reposer Kiki dans la terre. Le vase était brisé, c’était un fait. Elle attrapa les bandes scrap de boxe qu’elle avait prise comme matériel et vint enserrer le terreau pour garder la plante en place. Plaçant ses poings sur ses hanches, elle examina son travail, fière d’elle. Réalisant qu’elle était toujours en retard, elle piqua un troisième sprint. Et arriva en avance, aussi étrange que ça puissa paraître. Ce devait sûrement être dû au karma, après avoir sauvé Kiki. Coco fit une prière en son honneur en examinant son adversaire, tout sourire et encore un peu essouflée. Débardeur blanc, short jaune fluo, et bandelettes de boxe sur les mains et les poignets. C’était Coco Amber.

« Eitarō Kimura, enchanté. »


« Hh… Ara ? Non, désolé ! Moi c’est Coco Amber, Coco ! Enchantée aussi, quand même ! »

Coco leva un poing en l’air en fermant un oeil. En se pressant, elle n’avait presque pas remarquée qu’elle était… Entourée de public de tous les côtés. D’ici, elle avait un peu de mal à trouver du premier coup d’oeil ses amis. Qu’importe !

« Et du coup, hh, je me demandais si- »

Trop tard. Coco ouvrit la bouche en « o » en baissant la tête, papillonnant des yeux. Le signal de départ avait été donné sans crier gare, alors qu’elle avait tout juste repris son souffle régulier. L’ombre de tentacules douteuses s’étirèrent dans sa direction. Pas question qu’elle se fasse toucher par ses outils de scénario peu recommandable. D’un geste, elle défit les bandelettes de sport à sa main droite en se cabrant, faisant un grand mouvement du bras pour effilocher la bande de boxe, avant de partir pour son quatrième sprint de la journée, techniquement. Et avec une détente que seul Kiki aurait pu apprécier.

Les ombres s’étendaient désormais au dessus d’elle en zébrant la lumière qui lui parvenait. Sentant qu’elles pourraient se déplacer au quart de tour en suivant sa course, elle vint se mettre à zigzaguer en continuant de filer à toute berzingue vers Eitaro.

« Et votre plat préféré, c’est lequel ?! »

Lâcha Coco en un souffle, projetant en direction d’Eitaro sa bande de sport déroulée de son bras droit.

Noah Amber était rapide, ce fut quelque chose qu’Eitarō enregistra dès que la jeune fille se mit en mouvement. Il avait veillé à rester au fond de sa moitié de terrain pour mettre le plus d’écart entre lui et un potentiel adversaire spécialisé au corps à corps, mais avec un sprint pareil, l’adolescente le rejoindrait bien trop vite à son goût. Le câble faillit à s’enrouler autour de sa taille et immédiatement, Eitarō modifia ses aimants. Le bout qui avait plongé vers l’avant fut brusquement tiré vers l’arrière et le câble entier prit une forme sinusoïdale ample en revenant vers le level 4. L’œil droit de l’esper suivit la trajectoire de la bandelette qui fusait droit vers son visage. Malgré la distance, la jeune fille était parvenue à la lancer assez loin pour qu’Eitarō prenne le soin de s’en occuper. Il devait se méfier de la force de son adversaire et surtout, l’empêcher de le toucher.

« Et votre plat préféré, c’est lequel ?! »

[ Qui tente de faire la discussion au milieu d’un affrontement… ? ]

Le bout du câble le plus proche d’Eitarō qui terminait la sinusoïde ondula subitement avant de venir couper la bandelette dans sa course, la frappant à la manière d’un fouet. Un nouveau mouvement de la main de l’esper mit en mouvement sa structure qui s’approcha de Coco tout en restant à quatre bons mètres de l’universitaire. Une sorte de barrière entre lui et l’attaquante au corps à corps. Si elle voulait s’approcher d’avantage elle devrait forcément dépasser le câble. Passer au dessus ou en dessous était rendu impossible par sa forme, restaient le contournement ou une tentative de passer au travers. Quoi qu’elle choisisse, il était plus prudent pour Eitarō d’empêcher la course de l’adolescente, ou au moins la ralentir. Il avait confiance en sa défense, mais estimait la force d’attaque de Noah « Coco » Amber comme étant une menace malgré tout, si elle passait le câble, il lui faudrait passer à l’offensive à son tour.

Une défense physique n’était pas le seul type de défense existant cela dit, et Noah avait même lancé la discussion d’elle-même. Or, l’une des premières choses qu’on avait inculquées à Eitarō pendant son enfance était qu’il fallait toujours bien se comporter, et n’importe qui agréerait que laisser une question sans réponse était malpoli.

« Qu’est-ce que cela a à voir avec notre combat, Amber-san ? », demanda-t-il d’une voix suffisamment forte pour être entendue par l’adolescente.

C’était là une réponse comme une autre. Une question certes, mais une réponse. Cependant le simple fait que Coco ait posé sa question était un fait qui pourrait s’avérer inquiétant ; soit elle ne portait que peu d’intérêt à la compétition soit, bien pire, elle avait l’habitude de discuter tout en affrontant un adversaire. Selon le cas, la jeune fille pourrait être un adversaire bien plus redoutable que ce que certains auraient tendance à penser.

Coco freina sur le terrain avec l’une de ses chaussures de sport, après que sa bandelette ait été tranché. Assez rigolé, il avait été en mesure de maîtriser ses tentacules beaucoup trop rapidement. Continuer de foncer droit devant c’était un coup à se faire capturer et Coco commençait tout juste à s’amuser. C’était en remarquant qu’il avait coupé toutes les directions menant à lui à l’aide de son câble que l’adolescente compris que son adversaire était un génie et qu’elle ne rejoindrait pas ses amis en finale si elle n’y mettait pas un peu du sien.

Pouvait-elle gagner, en fait ? Coco fusa sur le côté dans un nouveau sprint, en faisant revenir le reste de sa bande de sport pour l’enrouler de nouveau à son bras. Bah. Si son adversaire gagnait, il allait peut-être être heureux. Avait-il une raison d’être là ? Peut-être que lui aussi voulait rejoindre quelqu’un en finale. Et si il devait impressionner sa famille, ses amis, ou son école ? Coco n’avait pas le droit de détruire ce que son adversaire avait envie de construire, juste pour son plaisir personnel.

« Qu’est-ce que cela a à voir avec notre combat, Amber-san ? »

L’adolescente ouvrit de grand yeux pleins d’étoiles et son sourire de gamine s’étendit sur son visage. Il avait répondu ! Sans crier gare l’adolescente se mit à foncer de nouveau vers Eitaro après avoir contourné looonguement sa barrière imprenable, l’idée étant de le chopper en diagonale et de passer une nouvelle fois sous sa ligne de démarcation métallique en slidant si il le fallait. Non, si Coco faisait exprès de perdre ou ne donnait pas un peu d’elle même pour essayer d’attraper une victoire in-extremis, c’était aussi ses amis qui n’allaient pas être content. Et Iza, et Angelise, et Hikaru ! Pas question de les décevoir.

« Un combat, c’est juste une conversation ! »

Au moment où le premier pied avait quitté la piste pour démarrer sa course effrénée, Coco baissa drastiquement son centre de gravité en avançant la tête vers l’avant. Elle devait accélérer encore plus vite maintenant qu’il était entouré de ce tentacule, sinon elle allait se faire attraper comme une mouche dans une toile d’araignée. Tête en avant, Coco activa Donut Rub plusieurs fois pendant quelques secondes pour lui donner ce micro-push supplémentaire en améliorant son aérodynamique. Elle devait atteindre le corps à corps, ou elle ne pourrait rien lui faire. Utiliser son souffle pour parler en courant était une des pires idées possible. Heureusement, Coco en avait à revendre.

« Et quand je vois quelqu’un qui a l’air intéressant… Je veux discuter avec lui ! Vous pouvez m’appeler Coco, au fait, mister ! »

Noah avait choisi le contournement, s’éloignant le plus possible de la barrière improvisée d’Eitarō tout en s’assurant de ne pas aller trop loin pour s’ouvrir une fenêtre d’approche en évitant de se pénaliser. Eitarō n’avait quand à lui toujours pas bougé d’un pouce, seuls ses yeux bleu acier suivaient la cible en mouvement que représentait la jeune fille. Son regard se plissa soudain lorsqu’elle changea de direction, le chargeant en ligne droite. Eitarō n’était pas un grand sportif, mais il savait reconnaitre un effort physique lorsqu’il en voyait un. Là, tout de suite, son adversaire donnait tout ce qu’elle avait, et c’était dangereux.

« Un combat, c’est juste une conversation ! »

L’universitaire leva la main en direction de la sinusoïde sans quitter la jeune fille du regard. Elle n’était plus qu’à quelques mètres maintenant, encore un peu et elle pourrait l’avoir au corps à corps.

« Et quand je vois quelqu’un qui a l’air intéressant… Je veux discuter avec lui ! Vous pouvez m’appeler Coco, au fait, mister ! »

Devant Eitarō et à droite de Coco, le câble se tendit de toute sa longueur et s’éleva dans les airs, incliné vers le bas avant de se mettre à tourner sur lui-même à la façon d’un foret au bout d’une perceuse. Trois mètres, elle était maintenant presque à sa hauteur. Eitarō claqua des doigts et le câble fusa subitement dans les airs avant de se planter dans le sol juste devant l’adolescente, tel une lance signant un avertissement.

« Merci pour le compliment Amber-san. Mais malheureusement je ne suis pas très bavard. »

L’extrémité du câble toujours tendu qui pointait en diagonale vers le plafond se recourba pour passer derrière la jeune fille et l’entourer en revenant de son côté gauche. Le câble trancha l’air, réduisant à chaque instant le champ de mouvement sa cible afin d'emprisonner sa taille. Quatre vingt kilomètres heure, c’était plus ou moins la donnée qui réapparaissait à chaque system scan. Le niveau quatre ne manipulait pas le câble à cette vitesse cependant, tant qu’il avait un contrôle sur la situation, il était inutile de fournir plus que nécessaire pour un résultat atteignable avec des calculs moins complexes. Sans compter le risque de blessure.

Si Noah « Coco » Amber elle ne trouvait pas un moyen de s’extirper de l’étreinte avant que le serpent de métal ne termine sa boucle, il ne faisait nul doute aux yeux d’Eitarō qu’à défaut de la priver d’air, il la priverait de la victoire.

C’était donc déjà finis ? Le sourire de Coco s’étendit sur son visage une nouvelle fois en réhaussant ses pommettes en même temps que ses sourcils, mais cette fois, c’était une grimace. Le tentacule, ou plutôt le câble métallique avait cessé d’essayer de lui courir après pour l’envelopper à la place, juste après avoir obligé l’adolescente à s’arrêter et faire un pas de recul. Maintenant, le câble tournait et retournait autour d’elle avec la ferme attention de la saucissonner pour de bon. Et qu’est ce qu’il allait vite, bon sang !

« Merci pour le compliment Amber-san. Mais malheureusement je ne suis pas très bavard. »

« Il a pas dit Coco… ! »

‘‘Pas très bavard’’ ? Eitaro venait de lever deux murs difficilement franchissable devant Coco. Au final, celle spirale infernale qui se refermerait tôt ou tard sur elle n’était pas différente des paroles du garçon. Il voulait empêcher Coco de l’atteindre, et aussi de converser ! C’était une cage pour contenir Coco et ses tentatives de socialisation. Mais elle n’allait pas le laisser l’enfermer aussi facilement ! Le nouvel objectif de l’adolescente était tout trouvé. Ouvrir la cage de métal autour du cœur de son adversaire ! Et pour cela, elle devait lui prouver sa passion.

Il était déjà presque sur elle. Evidemment, il n’y avait pas besoin d’être un génie pour savoir que bondir était la première chose à faire. Mais après ? Qu’elle bondisse vers l’avant, l’arrière ou les côtés, elle n’arriverait jamais à trouver la vitesse nécessaire pour échapper, dans les airs, à la vitesse phénoménale de sa capacité d’esper. Elle pouvait sentir que son adversaire se plaçait bien plus haut qu’elle naturellement. Son pouvoir, si il l’avait utilisé dans un autre contexte… Il lui suffirait sûrement de claquer des doigts pour la réduire en pâté pour chat. Ding ! Coco leva la tête vers l’ampoule qui venait d’apparaître. Si il était si fort, elle n’avait qu’à utiliser son propre pouvoir !

« Hey, le lasso, ça vient de chez moi. »

L’adolescente déroula sa bande de boxe à son bras gauche et vint en faire une boucle qu’elle referma autour du câble, fléchissant les jambes pour se préparer à bondir. Si le câble allait si vite, il suffirait de s’y accrocher pour se faire entraîner dans la danse, non ? Resserrant la boucle en bondissant dans les airs en direction de l’étudiant, l’adolescente cherchait à user de l’inertie de la puissance du pouvoir d’Eitaro comme le boost de vitesse nécessaire pour le rejoindre.

Le problème était qu’elle allait sûrement se faire valdinguer dans les airs à toute berzingue (elle n’y avait pas réfléchie avant de s’y accrocher…), calculer sa trajectoire allait être coton. Mais si il arrêtait le mouvement de son câble pour la ralentir, alors elle aurait aussi une ouverture pour foncer dans sa direction ! Dans tous les cas, elle leva la main vers son avant bras, prête à retirer totalement le strap qui accrochait encore son bras à sa bande.

« C’est pourquoi, les cheveux colorés ?! J’aime bien ! »

La vitesse du câble tripla subitement lorsque Coco déroula sa bandelette. Même à ce stade elle avait une idée en tête pour s’en sortir, donc. Eitarō n’était pas du genre à jouer avec un adversaire comme le feraient d’autres. Non, il n’était pas là pour ridiculiser un adversaire ou prouver sa force, ces choses là n’avaient à son sens aucun intérêt, bien au contraire. Ces affrontements n’étaient que du spectacle, il n’avait rien à montrer à qui que ce soit qui le regarderait. Il était simplement là pour affronter d’autres espers et gagner ou perdre. Rien de plus, rien de moins.

Et puis Coco sauta. Un semblant d’expression de surprise s’afficha sur le visage d’Eitarō, il y avait un nœud sur la bandelette et ce dernier venait de se resserrer instantanément autour du câble. Il ne pourrait pas l’attraper, s’il continuait ce mouvement elle-

« C’est pourquoi, les cheveux colorés ?! J’aime bien ! »

Le câble vira brusquement vers le haut pour annuler le plus possible l’inertie que prendrait la jeune fille. Inutile de le dire, cela se voyait ; Noah avait pris Eitarō par surprise. L’universitaire entendait déjà ses camarades de classe le dire : des personnes capables d’une telle prouesse, il n’y en avait qu’une poignée dans le monde.

L’adolescente décrivit une large courbe dans les airs avait d’atterrir plusieurs mètres à gauche de sa précédente position. A l’intérieur du ring le sol était adapté, mais si l’adolescente était sortie hors limites et avait heurté le sol à cette vitesse, Eitarō n’avait aucun doute quand au fait qu’elle aurait subit plus qu’une simple égratignure.

« Es-tu toujours aussi imprudente, Amber-san ? Je comprends que tu puisses avoir envie de gagner mais ce genre d’actions ne t’apportera rien de plus que des blessures. »

Niveau un contre niveau quatre, le plus gros écart entre deux participants d’après le system scan de la Cité Scolaire. Le câble toujours fiché dans le sol en fut finalement retiré pour venir flotter près d’Eitarō à hauteur d’épaules. Son regard incisif était ancré sur la jeune fille. Une chose était sûre, elle aimait parler.

Eitarō n’avait aucune envie que le résultat de leur affrontement soit un os brisé et s’était donc demandé comment dissuader la jeune fille de tenter ce genre d’attaque à nouveau. Finalement, il répéta ce qu’il avait imaginé comme un conseil qu’il aurait pu donner à l’un de ses élèves.

« Ne te mets pas en danger pour gagner une compétition, ça n’aura rien d’une victoire si tu finis à l’hôpital à cause d’un pari stupide. »

Il ne faisait nul doute que cette phrase lui vaudrait des commentaires une fois le tournoi terminé. Peut-être avait-il réellement pris l’habitude de s’adresser à tous ses kohai comme s’il s’agissait de ses élèves ? Eitarō plaça ses deux mains dans les poches de son pantalon de costume et comme pour répondre, le câble remua légèrement dans les airs.

« Viens, je t’attends. »

« Hm. Ah, oui. l'atterrissage. »

« WAAAAAAAAAAAAH!~ »

Projetée dans les airs avec l’incroyable vitesse du câble métallique dirigé par Eitaro, Coco avait défait son scrap et se dirigeait maintenant dangereusement vers le centre du terrain à une vitesse tout aussi incroyable. Des larmes s’échappaient de ses yeux, pas parce qu’elle pleurait, mais parce que le vent lui fouettait vraiment très rapidement le visage. Elle leva la tête vers les tribunes pendant un instant, souriant vivement au public.

Oh ! D’ici, elle pouvait même voir le club de boxe et ses amis. Elle tenta de leur faire un coucou avant de sentir que le sol se rapprochait. Finalement ses mains allaient lui servir à autre chose… Se réceptionner au sol comme elle savait déjà le faire. Faisant quelques roulés-boulés sur le terrain, Coco grimaça en se retenant l’avant bras sur lequel elle était presque tombée si elle n’avait pas calibré le contact au sol du mieux qu’elle pouvait. Bon, elle n’avait fait que limiter la casse.

« Es-tu toujours aussi imprudente, Amber-san ? Je comprends que tu puisses avoir envie de gagner mais ce genre d’actions ne t’apportera rien de plus que des blessures. »

Ouaip, il lui manquait une case. Mais ça semblait être une tellement bonne idée, au départ. Elle se redressa maladroitement avec des petites Hikaru voletant autour de sa vision en lui donnant des petits coups de boken. De son côté gauche s’échappait une vilaine sensation de brûlure. Le genre de blessure plutôt commune en râpant sur un ring de boxe ou en encaissant plusieurs mauvais coups.

Sauf que là, c’était sur tout le bras et la jambe gauche. Heureusement que le terrain n’était pas fait en dalles, tiens… Sans attendre, elle retira entièrement la bande qu’elle avait à son bras droit (raccourcie par Eitaro précédemment) et vint l’enrouler à son bras gauche à la place, là où il n’y en avait désormais plus.

« Ne te mets pas en danger pour gagner une compétition, ça n’aura rien d’une victoire si tu finis à l’hôpital à cause d’un pari stupide. »

Papillonant des paupières en ouvrant la bouche en cul-de-poule, l’adolescente replaça son regard encore pétillant sur Eitaro. Malgré la trace rouge sur sa joue, bras et jambe, Coco semblait loin d’être terrassée par une douleur insupportable. Il fallait dire que non seulement Eitaro avait adoucit la chute, mais le terrain l’avait absorbée… Et mieux que ça encore, il continuait de parler ! Malgré avoir dit qu’il n’était pas bavard, elle avait réussit à enfin le faire discuter.

Toute grimace disparu du visage de Coco, qui rayonnait en croyant être arrivée à une conversation normale, la douleur lancinante reléguée désormais au second plan. Son adversaire était quand même tellement cool, en alliant force, calme et sérieux, mais l'adolescente pouvait aussi clairement voir dans son regard qu'il était des plus francs et qu'il ne désirait pas du tout qu'elle se blesse ou se fasse du mal. Impossible, il était beaucoup trop intéressant ! Elle ne pouvait pas en rester là !

« Viens, je t’attends. »

Dash. Au moment où la bouche d’Eitaro s’était ouverte, Coco était repartie sprinter comme une sauvageonne, bavant et souriant. Ses chaussures de sport frappaient le ring avec impudence alors qu’elle se laissait de nouveau un peu dériver vers l’avant et le bas, élargissant peu à peu ses enjambées. Cette fois, elle ne ralentirait pas et ne reculerait pas si elle voyait le câble foncer dans sa direction. Non.

Elle avait déjà presque touchée le ciel, et son cœur battant à la chamade ne lui criait qu’une chose : encore ! Une fois qu’elle estimerait que la distance était bonne ou que son adversaire préparait une contre-mesure, elle bondirait dans les airs une nouvelle fois pour descendre vers lui en un coup de pied visant le haut du corps. La douleur à sa jambe gauche revint en lui faisant tirer la langue et fermer un œil.

« S’il te plaît, appelle-moi Coco, Taro-chan ! »

De nouveau elle le chargeait et de nouveau le câble vint s’interposer entre la jeune fille et sa cible. La forme était un « U » cette-fois ci, les branches dirigées vers Coco et la courbe large d’un bon mètre prête à la réceptionner toujours au niveau de la taille. Eitarō avait un objectif et il ne le cachait pas.

« S’il te plaît, appelle-moi Coco, Taro-chan ! »

« Je ne donne pas de surnoms. »

Le câble fonça en ligne droite, comme pour faucher l’adolescente. En plus de parer ses assauts voilà que l’universitaire devait protéger Coco de ses propres tentatives de l’approcher. Projeter une courbe métallique à plusieurs kilomètres heure dans la jeune fille n’était peut-être pas la méthode la moins brutale d’y parvenir, mais il s’agissait en tout cas de celle qui était la plus certaine de réussir, du moins en prenant en compte les paramètres qu’Eitarō intégrait dans ses équations mentales.

Il jeta un rapide coup d’œil vers les gradins et le timer, la foule en délire semblait encourager la jeune fille à donner son maximum, se demandait peut-être si Eitarō se retenait face à une level 1 pour qu’elle tienne aussi longtemps. Cette pensée était risible en un sens, après-tout qui pourrait croire qu’un level 1 apprendrait quelque chose à un level 4 parmi ces gens là ? Probablement pas grand monde. Pourtant, Eitarō commençait à comprendre ce que la jeune fille avait dit un peu plus tôt. Un combat ressemblait quelque peu à une conversation, finalement.

« Si tu veux obtenir quelque chose, prouve que tu mérites cette récompense, c’est ainsi que fonctionne le monde. »

A vrai dire, l’adolescente semblait déjà bien plus que motivée, il s’agissait peut-être là du désir d’un petit niveau de vaincre l’élite mais Eitarō avait l’intuition que ce n’était pas le cas de Noah Amber. Son comportement ne collait pas. Quelle que soit sa motivation, la jeune fille n’avait probablement pas besoin d’une quelconque motivation supplémentaire, mais le rejeton des Kimura était d’avis qu’encourager quelqu’un donnait toujours lieu à des évènements intéressants.

« J’ai mal calculé mes appuis… ? Non, c’est le choc... »

Coco se crispa légèrement en sentant la douleur ressurgir dans son côté gauche. Elle avait fait confiance à son atterissage en catastrophe. Visiblement, elle avait eut tort.

« Je ne donne pas de surnoms. »

Le câble était reparti, fusant dans les airs en rivalisant sans la moindre difficultée avec la vitesse de l’adolescente. Sauf qu’il y avait un problème… Cette fois, elle était dans les airs, une jambe levée ! Esquiver allait être impossible dans ses conditions, elle ne pouvait pas compter sur sa détente et ses réflexes instantanés qui l’avaient sauvé jusqu’ici. Et Eitaro n’avait pas mordu, impassible.

« Shit ! I got too excited ! »

« Si tu veux obtenir quelque chose, prouve que tu mérites cette récompense, c’est ainsi que fonctionne le monde. »

L’air vrilla dans les oreilles de Coco qui redescendait, fonçant droit sur le câble dirigé vers sa taille, qui n’attendait que ça. Comment une level 1 comme elle pouvait rivaliser avec un esper comme lui ? Vu l’appui qu’il mettait, c’était assuré qu’il avait de meilleures raison de gagner qu’elle. Si Coco voulait lui faire plaisir, elle n’avait qu’à arrêter de foncer comme une demeurée. Elle allait tomber de toute façon.

« Hell-the fuck no ! »

« Prouve que tu mérites cette récompense ». Coco avait besoin d’arrêter d’essayer de faire plaisirs aux gens et à elle même pour rien. Si elle voulait quelque chose, qu’elle le dise clairement ! Qu’elle y mette vraiment tout son coeur ! Où était passé sa passion pour le sport ? Hikaru devait sûrement être partie à l’heure qu’il est. Haruhiro allait simplement la voir se ramasser au sol en souriant comme une imbécile ? Les yeux de panthère qu’elle avait montré à Izayoi. Non ! Elle allait tout donner. Eitaro Kimura était celui qui avait à lui apprendre. Il lui était supérieur. Et alors ?

Les niveaux, les sexes, la barrière de la langue. Rien de tout cela n’avait empêché Coco de se faire des amis jusqu’à maintenant, de triompher des obstacles. Alors pourquoi cela devrait changer ? L’oeil fermé de Coco se rouvrit. La flamme était revenue et brûlait comme un brasier, désormais. Elle inspira. Et lança son bras en avant, en même temps qu’elle se laissait tomber.

Refermant sa main sur le câble tordu, elle l’avait trouvé son appui pour se déplacer dans les airs ! Tentant un salto avant à l’aide de sa prise pour se propulser vers Eitaro, Coco redressa de nouveau sa jambe droite pour son high kick, visant la tête. Elle devait toucher. Elle devait le toucher, ou l’obliger à reculer ! Il suffisait simplement à Coco de loger son coup de pied. Donut Rub s’activa comme l’étincelle pour allumer le feu, réduisant la friction et la résistance de l’air.

« Je n'abandonnerais pas, Taro-chan !! »

« Coco » avait passé son câble, mieux encore elle l’avait utilisé pour gagner en vitesse et l’atteindre au corps à corps. L’universitaire sortit brusquement ses mains de ses poches dans un bruit de tissu. Il n’y avait pas à dire, la jeune fille avait une grande maitrise de son corps pour bouger comme ça, probablement le reflet d’un long entrainement comme il l’avait supposé. Eitarō ne disposait pas de ce genre d’aptitude. Non, son truc à lui c’était les métaux.

« Je n'abandonnerais pas, Taro-chan !! »

« … »

Le pied de l’adolescente était presque sur lui, à quelques centimètres de sa tête. Si elle le touchait, il ne pourrait probablement pas se relever. Et elle allait le toucher.

Clang !

Une bouteille grise venait d’apparaître au dessus de sa tête, encaissant une partie du coup de pied et le déviant majoritairement sur la gauche. Eitarō pivota, évitant à son épaule de prendre le coup de pied de quelques millimètres seulement. Son regard croisa celui de Coco l’espace d’un instant. Là, maintenant elle avait toute son attention.

La seconde bouteille fusa pour s’enfoncer dans le ventre de l’adolescente, réduisant son énergie cinétique à néant. D’abord, il devait la ralentir, ensuite la faire reculer. La main droite d’Eitarō se crispa, provoquant un soubresaut sous sa veste qui s’ouvrit. Aussitôt, les quatre pinces qui y étaient dissimulées fondirent sur la jeune fille pour s’accrocher à ses vêtements et s’enrouler dedans pour y raffermir leurs prises.

La bouteille métallique qui avait stoppée Noah vit sa force augmenter drastiquement, repoussant la jeune fille dans un arc de cercle à l’aide des pinces empêtrées dans ses vêtements. Le chemin le plus rapide vers la sortie de ring était tracé.

Eitarō ne la quittait pas du regard, au cas où elle parviendrait à se défaire de cette position peu encourageante. Il avait sentit l’air lui fouetter le visage au moment du coup et la bouteille semblable à un thermos s’était pliée vers l’intérieur suite au choc. Mais au lieu de d’esquiver, il avait opté pour un blocage frontal et ce pour deux raisons. La première était qu’esquiver n’aurait pas été très viable si le coup de pied était un leurre. Quand à la deuxième, avec la vitesse que la jeune fille avait subitement pris, si elle était sortie du ring sans prévoir d’atterrissage contrôlé la chute l’aurait très probablement directement envoyée à l’hôpital.

Une adversaire au sang chaud avec une tendance à charger comme un taureau, voilà ce qu’était Noah Amber aux yeux de l’étudiant. Pour lui comme pour elle, il valait mieux terminer ce match le plus rapidement possible.

Clang. Le choc était dur. Ça c’était connecté ? Non, ce n’était pas le son ni la texture de la peau ou de l’os d’un crâne, Coco connaissait bien cette sensation-là. C’en était une autre. Ses deux yeux de braises toujours vissés sur Eitaro Kimura changèrent de position alors qu’elle commençait à tomber après son coup. Une… Bouteille ? L’énergie cinétique du coup n’avait pas entièrement été absorbé par sa défense et la jambe de l’adolescente avait légèrement glissée hors de portée d’Eitaro. Il avait… Encaissé ? Il n’avait pas évité, malgré le risque ? Il avait des tripes. En parlant de tripes…

« Ourf- ! »

Un deuxième projectile frappa contre l’estomac de Coco, qui n’avait ni gainée ni la possibilité d’éviter évidemment, dans cette position. De toute façon… C’était bien trop rapide ! Elle n’avait pas imaginé qu’il utiliserait des projectiles, mais maintenant ça paraissait évident. Elle ferma un œil en tombant au sol un peu plus loin. Les lumières du stade se reflétèrent sur les pinces qui venaient de jaillir des vêtements d’Eitaro. Les pieds de Coco tentèrent de se raffermir sur leurs positions pour lui donner matière à éviter, mais la bouteille qu’elle avait oubliée s’était remise à bouger, creusant contre son ventre en la propulsant en arrière.

« Nom d’un petit bonhomme…! »

Les pinces filaient dans sa direction en fendant l’air comme des avions, bientôt sur elle. Elle pouvait les éviter, les dévier ? Pas avec cette bouteille qui continuait de la faire danser. Elle posa sa main sur le projectile en tentant de nouveau d’enfoncer ses appuis contre le terrain, et la douleur à son côté gauche revint. Clack. Les pinces avaient atteint leurs cibles. Ses doigts creusèrent entre la bouteille et son débardeur, cherchant une prise. Elle senti alors la force du pouvoir d’Eitaro. Ça n’avait rien de comparable avec celle d’un humain qui aurait poussé sur la bouteille. C’était comme le poids d’une enclume. Sauf que c’était une bouteille, et que c’était maîtrisé de manière à ne pas rentrer d’un côté pour sortir de l’autre.

Les chaussures de sport de Coco continuèrent de râper contre le sol en sifflant, la rapprochant de plus en plus de la limite du terrain. Et maintenant, elle était aussi piégée par les pinces qu’Eitaro avait sorties de sa veste. Il avait bloqué ses mouvements entièrement. Elle savait au fond d’elle-même que le moment où elle allait se faire capturer par le métal allait sonner sa chute. Malgré tout, avec sa propre force physique, elle tentait de ralentir la poussée de la bouteille, ou de se jeter d’un côté ou de l’autre sur le sol pour tenter de laisser la bouteille partir. Mais c’était mal parti. Elle avait prises trop de risques, et Eitaro était resté attentif. Il avait mérité sa longueur d’avance.

À chaque mouvement de la jeune fille, Eitarō adaptait la position des pinces pour entraver au maximum la gesticulation de sa proie. La bouteille quand à elle remplissait son rôle de piston, Coco était à sa merci. Et pourtant il refusait de la quitter du regard, ne lui laissant pas la moindre opportunité, la moindre chance. Était-ce cruel ? Ça le serait forcément pour certains, quand d’autre y verraient un respect de son adversaire, mais pour Eitarō il ne s’agissait comme tout le reste que d’une mesure de sécurité.

Malgré sa lutte, la jeune fille se dirigeait inévitablement vers la ligne démarcative, usant ses semelles pour se ralentir. Les pièces métalliques avançaient dans une seule direction, ignorant les efforts fournis et finalement, le bruit des semelles frottant contre le sol s’arrêta : Coco avait franchit la limite du terrain.

Un bip sonore se fit entendre dans toute la salle, annonçant la fin du combat. Ce ne fut qu’à ce moment là qu’Eitarō ferma les yeux, lâchant l’adolescente du regard. Doucement, les pinces de métal se démêlèrent des vêtements de la lycéenne et revinrent vers le level 4 en même temps que la bouteille grise, s’accrochant à sa veste reboutonnée. Eitarō se tourna vers son adversaire, confirmant visuellement que sa dernière attaque ne l’avait pas blessée. Il remarqua ses vêtements étirés voir abîmés par endroits, là où les pinces avaient fait leur œuvre.

Tandis que le câble retournait s’enrouler autour de la bobine comme habité d’une volonté propre, l’étudiant de Dangai University prit la parole.

« Si tu souhaites un dédommagement pour tes vêtements, fais le moi savoir. Sur ce. »

Et il s’inclina légèrement en avant, les bras le long du corps avant de prendre la bobine dans sa main droite et les bouteilles dans sa main gauche, exactement comme lors de son entrée dans l’arène, moins de cinq minutes plus tôt.

Alors qu'il se redressait, prêt à partir, la jeune fille l'interpella avec énergie pour échanger quelques mots déterminés. L'universitaire ne répondit pas cependant, se contentant de l'écouter avant de se retourner, l'ensemble des caméras de l'évènement braqué sur lui et sur la jeune fille. D'un pas régulier, il se dirigea vers la salle d'attente, sans dire un mot, ou gratifier les spectateurs d'un regard.

Le combat était terminé, et si la défaite sonnait la fin de la participation de Noah « Coco » Amber, il n’en était rien pour Eitarō qui devrait ensuite affronter la gagnante du précédent combat. Cette idée ne le mettait ni mal à l’aise ni en confiance, à vrai dire il n’y avait pas vraiment réfléchi. Comme chaque autre participant il avait ses atouts et ses faiblesses sans compter le contenu de ses bouteilles qu’il avait gardé secret jusqu’ici. Quand à savoir si ses capacités lui permettraient de vaincre son prochain adversaire et les deux suivants, les prochaines heures lui apporteraient la réponse, à lui comme à tous les autres.

« Ah… »

Coco regarda le plafond une fois que la sonnerie avait retentie. Le métal s’était détaché d’elle, en même temps que le regard d’Eitaro. Elle massa l’endroit où le thermos l’avait poinçonnée. Elle n’y avait pas spécialement mal, mais elle pouvait encore sentir une genre de sensation fantôme, comme si elle était toujours là. Un peu comme le match. Elle n’avait pas l’impression qu’il était terminé, mais c’était bien finis. Son adversaire, Eitaro Kimura, rembobinait désormais le métal revenant à lui.

Coco cligna des yeux quelques instants. Il avait gardé son cool et son self control pendant tout le match. Ce garçon était vraiment quelque chose ! Il était impressionnant. Coco pouvait sentir qu’il avait quelque chose à l’intérieur d’électrique, même s’il ne le laissait pas paraître autrement qu’avec son pouvoir. Mais à la fin, lorsqu’il avait paré son coup de pied… Et sur cette dernière action… Pas de doute. Il avait augmenté la puissance de feu. Il avait jugé qu’il en aurait besoin pour s’assurer la victoire ?

« Je pourrais presque rougir ! »

L’adolescente lâcha un long soupire en fermant les yeux et en penchant légèrement la tête en arrière. C’est qu’elle en avait sué, après tous ses sprints ! Passant son avant-bras sur son front pour essuyer un peu de sueur, elle ouvrit un œil en tirant la langue. Il avait un peu déchiré son débardeur, hohé. C’était plutôt peu galant pour un gentleman !

« Si tu souhaites un dédommagement pour tes vêtements, fais le moi savoir. Sur ce. »

« Hm ? »

Elle le regarda s’incliner en penchant la tête sur le côté, avant de s’approcher du terrain de nouveau, replaçant ses chaussures là où elles avaient râpées contre le sol sur son chemin vers la défaite. Elle leva vivement la main en l’air en fermant les yeux, offrant à son adversaire un sourire rayonnant.

« T’inquiète pas va ! Moi j’vois pas la différence ! En tout cas… Merci ! C’était un super combat, bonne chance pour la suite ! Oh, hé… Taro-cha… Hue. Kimura-san ! »

La main levée se rabaissa vivement en direction d’Eitaro, se transformant en poing. Les yeux toujours enflammés de l’adolescente ne s’étaient pas éteints, au contraire ! Ils étaient toujours vissés sur Eitaro, comme si le combat n’était pas terminé. Mais il n’y avait ni haine ni ressentiment. Juste une passion qui avait été comme rallumée par leur affrontement. Un pouce s’échappa du poing, désormais levé vers son adversaire.

« On s’revoit dehors. J’te dois un verre ! »

Grâce à lui, elle savait un peu mieux pourquoi elle se battait. Sans le savoir, il avait rallumé une flamme en elle qui manquait parfois de s’éteindre d’elle-même. Elle n’oublierait pas Eitaro Kimura et ne comptait pas le laisser disparaître comme ça. Ils se reverraient, et elle lui ferait passer du bon temps. Sa mission pour faire fondre ce cœur de fer ne faisait que commencer après tout !