Attirer l'attention, un pouvoir à double tranchant ! - pv Abel

Cela faisait maintenant un peu plus d’une semaine que le mois de novembre s’installait à Gakuen toshi, apportant avec lui fraicheur et nuages. Pourtant, cela ne dérangeait en rien la jeune fille aux cheveux blonds qui se baladait joyeusement dans les rues du district 7, bien au contraire. Comparé aux températures de son pays d’origine, il faisait même encore sacrément chaud. Portant seulement un pull jaune large ainsi qu’une jupe bleue foncée, Tova ne semblait pas le moins du monde affectée par la température de ce début d’après-midi. Elle n’était pas frileuse, c’était un fait mais à l’instant présent, seul son casque bleu orné de deux oreilles de chat occupait ses sens. Ou plus précisément la musique qu’il diffusait, vissé sur ses oreilles. En ce jour de week-end, il y avait foule près de la galerie marchande et il n’y avait que peu de regards qui ne se tournaient pas vers la jeune fille. Personne ne semblait la reconnaitre cela dit : ce qui attirait l’œil n’était pas la star internationale mais plutôt l’adolescente habitée par le rythme dont la démarche passait difficilement inaperçue.

C’était le refrain, évidemment Tova n’avait pas pu résister et s’était quasiment mise à danser en marchant, tournant sur elle-même et esquivant les passants de justesse tout en gratifiant leur espace vital de quelques notes fredonnées inconsciemment.

« Aaaah ! J’adore cette chanson ! » s’exclama-t-elle  en tournant sur elle-même en écartant les bras, provoquant un petit écart de la foule autour d’elle. L’entrée de la célèbre galerie marchande était à peine à quelques pas de là, dire qu’elle avait décidé d’y jeter un coup d’œil après le dernier mois mouvementé qu’avait suivi son emménagement… elle savait maintenant qu’elle était sur le point de saboter ses propres plans.

[ Oh et puis c’est pas grave, j’irai une autre fois ! Toutes les conditions sont remplies et puis je pourrai jamais me retenir après l’avoir écoutée tant de fois d’affilée de toute façon ! ]

Posant au sol le sac à dos qu’elle avait emmené avec elle, la petite suédoise en sorti sans hésitation trois petits cylindres et troqua son casque audio pour une oreillette noire équipée d’un petit micro. Elle avait finit par tout emmener finalement, comme quoi ce qui allait suivre était prévu.

[ De toute façon, on ne sait jamais ce qui peut arriver, donc j’ai bien fait de tout emporter. Oui c’est ça, on ne sait jamais ! ] s’auto-persuada-t-elle mentalement.

Tova s’activa, il s’agissait de faire la surprise à ceux dont elle avait attiré l’attention en premier, ils avaient eu droit à un coup d’œil mais maintenant tous étaient invités à la suite du spectacle. Posant les trois cylindres en ligne sur le sol, la jeune fille appuya sur les trois boutons d’allumage et aussitôt, les cylindres s’agrandirent et s’élargirent pour passer de la taille d’une cannette à trois grosses boites quasi-rectangulaires : des haut-parleurs. Avec ça les gens commenceraient à comprendre, c’est pourquoi il fallait vite commencer. Allumant son oreillette de la même façon, Tova la connecta à l’enceinte centrale puis fit de même avec son téléphone et les haut-parleurs latéraux, il ne restait plus qu’à trouver une version instrumentale et… bingo !

Un sourire éclatant s’afficha sur le visage de la petite star lorsqu’elle vit de nombreux visages intrigués se tourner vers elle. Une seconde pression sur le bouton de son oreillette émit un grésillement dans les haut-parleurs.

« Hello minasan ! » dit-elle d’une voie pleine d’entrain qui fut aussitôt retransmise par les haut-parleurs. « En cette magnifique journée je vous propose une chanson pour nous rassembler ! La musique est quelque chose qui lie les gens, je veux partager ce sentiment avec tout le monde ici ! Vous la connaissez peut-être, voici Zen Zen Zense pour vous ! »

Une chanson rendue très populaire par un film d’animation à succès et qui avait eu des centaines de reprises dans tout le globe, une nouvelle version était sur le point de naitre. Bien qu’elle portait les couleurs de son pays aujourd’hui, ça n’était pas un problème ; quoi de mieux qu’un peu de chant pour travailler son japonais ! Sans plus attendre, Tova appuya sur le bouton play de son téléphone et la musique se lança.

Music:

Il ne fallut que quelques secondes aux passants pour reconnaitre la mélodie. L’immense majorité d’entre eux étant des adolescents, ce genre de référence leur parlait sans soucis. Le léger accent suédois de l’adolescente fit apparaitre quelques expressions surprises qui ne tardèrent pas à reconnaitre la voix de la jeune fille. Quelques exclamations retentirent dans la foule qui s’était rassemblée autour de la petite star, scandant le nom de scène et les différentes appellations de la jeune fille. D’autre encore, s’étaient mis à chanter et tous étaient d’une façon ou d’une autre emportée par le chant et la musique, laissant le rythme de la chanson prendre possession de leurs corps.

La prestation avait duré moins de cinq minutes mais ce fut malgré tout un tonnerre d’applaudissements qui marqua la fin de la chanson, le public ayant triplé voire quadruplé de volume entre le début et la fin. Les fans criaient, demandaient des autographes et une autre chanson, clamant même des compliments.

« C’était Tova Svea Skarsgård alias Grönfrihet, merci beaucoup ! » dit la jeune fille d’un seul souffle avant de saluer à plusieurs reprise la foule qui semblait à deux doigts de se jeter sur elle.

[ Sate. Comment je fais maintenant ? Je suis pas sûr que les autorités soient fans de concerts publics improvisés… bah c’est pas grave, heureusement que j’ai ramené mon feutre pour les autographes ! ]

Créer un concert surprise était facile, tout autant que ramener la foule. Ce qui l’était moins en revanche c’était de s’éclipser par la suite surtout dans le cas d’une notoriété internationale. C’était décidé, la prochaine fois il lui faudrait une sortie de secours.

S’armant de son fidèle marqueur et d’un sourire éclatant, Tova se prépara à encaisser la charge des fans, fourrant son matériel dernier cri dans son sac aussi vite que possible avant que le troupeau ne lui fonce dessus. Si ça n’avait pas été un endroit aussi peuplé, elle n’aurait pas hésité à chanter jusqu’au crépuscule sans craindre qu’on lui demande d’arrêter pour tapage diurne. Mais à quoi ça servait de chanter si c’était pour que personne ne l’entende ?

Ni une, ni deux, la petite star fut noyée par la foule de japonais. Contrairement aux autres figures populaires de la musique, –du moins certaines d’entre-elles- Tova voulait apporter satisfaction à n’importe quel supporter de ses activités. Dans le cas présent, tous voulaient des autographes sur un, deux voir trois objets différents chacun qui deviendraient des trésors de famille pour les prochaines générations. Faire une signature n’était pas difficile, la reproduire trente fois sans la transformer en gribouillis l’était un peu plus. Alors pour trois fois plus ? Mais il était hors de question de bâcler la moindre signature, ça serait quelque chose d’horrible pour la personne qui l’admirait ! Tandis qu’elle mettait des coups de marqueur à droite à gauche, le grand souci des bains de foule se manifesta : « les auto-tamponneuses ». Puisqu’elle était censée juste aller faire du shopping, la présence de gardes du corps n’était pas nécessaire et la jeune fille insistait au maximum pour faire tous ses déplacements sans escorte.

« Bweewewehawawa, attendez… doucement ! Oui j’arrive, attention vous me faites bouge-EEeeer ! »

Les yeux en spirales, la petite blonde commençait à avoir la tête qui tournait à force de rebondir dans tous les sens, sans compter que son poignet et ses épaules commençaient à lui faire mal tant ils étaient sollicités. Cela dit il y avait un avantage aux foules de fans, et il s’agissait de la désorientation de masse.

« Kyaaaaa ! »

Plongeant dans la foule comme un nageur dans l’eau, Tova perdit cinquante centimètres en s’accroupissant pour disparaitre des regards. Dès qu’elle avait commencé à revoir les mêmes visages encore et encore, elle avait comprit qu’il était temps de s’éclipser si elle ne voulait pas finir écrabouillée par l’amour un tantinet trop insistant de ses fans bien-aimés. Se frayant un chemin entre la mer de jambes, elle brandit sa main droite devant son visage comme pour faire un genre de prière.

[ Je crois que c’est comme ça que vous faites ici… Sumimasen deshita ! Je vous fausse compagnie pour revenir plus vite ! J’espère que vous serez quand même satisfaits ! ]

Émergeant finalement de la foule, la fillette inspira l’air à plein poumons et se mit à s’éloigner rapidement, regardant derrière elle. Elle ne vit évidemment pas le corps qui était sur son chemin et heurta ce qui semblait être un jeune homme de plein fouet.

« Ita ! Oh pardon je suis désolée je… je regardais ailleurs c’est ma faute ! »

La ceinture externe de la foule se retourna : « Hé elle est par ici ! » « Tu chantes super bien ! Dis je peux avoir un autographe ? »

Tova déglutit bruyamment, ses fans étaient un peu trop observateurs pour son bien. Elle leva deux yeux désespérés vers le jeune homme aux cheveux noirs et se cacha derrière lui, l’agrippant par le bras.

« Ah euuuuuh, désolé de te mêler à ça mais tu peux me sortir de cette situation ? C’est que je veux pas encore me faire avaler… » la foule se rapprochait à pleine vitesse, doublant aussi bien le rythme cardiaque que la surface oculaire de la jeune fille.

« D-dis ! Tu veux un autographe ou… ou quelque chose d’autre peut-être ! Si tu m’aides je ferai tout ce que tu voudras alors… oneigaishimasu ! » paniqua-t-elle en raffermissant sa prise sur le bras du jeune adulte.

Dire que maintenant elle devait fuir ses propres admirateurs… avec un peu de chance ils comprendraient qu’elle les aimait malgré tout. Mais pour l’heure, elle devait les semer.

« Qu- Guyaawah ! »

Ni une, ni deux, Tova venait de se faire soulever de terre par le jeune homme avant de se faire charger sur son dos, la transformant directement en marchandise affublée du ruban adhésif « Fragile ».

" Permettez mademoiselle, nous irons plus vite ainsi. "

« Uh ? Ok-okay ! », balbutia-t-elle un peu surprise alors que son sauveur ténébreux se mettait rapidement en mouvement pour fuir les fans affamés. Est-ce que c’était… du Français dans son élocution ? Elle y aurait mis sa main à couper ! Ou peut-être pas, quand même, ça semblait vraiment effrayant comme idée.

Le jeune homme ne lui laissa cependant pas le temps d’y réfléchir d’avantage puisqu’il accéléra brusquement, forçant la petite blonde à s’accrocher fermement si elle ne voulait pas finir en étoile sur le sol de Gakuen Toshi. Elle jeta un coup d’œil en arrière, enroulant ses bras autour du coup de son sauveur visiblement motivé. Vu la vitesse à laquelle la meute de fanboys et de fangirls se faisaient distancer,  il devait vraiment tenir à la sauver pour le coup ! Si ça ça n’était pas de la chance !

La course-poursuite ne dura finalement que quelques minutes à peine et la jeune fille cligna des yeux à deux reprises lorsqu’elle retrouva le sol. C’était déjà fini ? Ça avait été nettement moins long et difficile qu’elle l’avait imaginé. La voix grave se fit à nouveau entendre.

" Vous semblez avoir des admirateurs, mademoiselle. "

Ah ! Encore cette petite touche exotique du pays de la baguette ! Tel un automate, Tova pivota en un clin d’œil vers le jeune homme et le regarda droit dans les yeux, un sourire radieux sur le visage.

« Toi t’es un Frenchie pas vrai ?! J’en étais sûre, tes intonations sont parfois un peu trop monotones pour un japonais ! »

Réalisant que sa remarque pouvait paraître négative, elle ajouta dans la langue de Molière : « Mais tu parles vraiment super bien, j’ai faillit me faire avoir ! » Elle avait bien fait attention à faire un accent immaculé, digne des plus grands buveurs de vins.

« Pour ce qui est des admirateurs… disons que la notoriété ça a aussi son petit côté contraignant, si on peut dire ça comme ça. »

« Oh mais j’en oublie le plus important ! », fit-elle soudainement d’une voix un peu plus pétillante. Une vague d’énergie l’ayant revitalisée encore d’avantage, elle joignit les mains dans son dos avant de s’incliner en avant devant le jeune homme. « Merci de m’avoir sortie de ce mauvais pas ! Je m’appelle Tova, Tova Svea Skarsgård. Mais tu peux juste m’appeler Tova. »

Elle adressa un sourire d’ange au jeune homme aux cheveux noirs, il ne la quittait pas des yeux. Maintenant qu’elle y pensait, c’était vrai qu’elle lui avait promis quelque chose en échange de son aide… mais d’abord, elle voulait son nom !

Faisant un pas en avant, la petite blonde se planta juste devant le grand adolescent qui l’avait secourue. Ou peut-être était-il plus âgé, vu son regard ? Elle leva la tête un peu plus haut pour bien regarder son visage.

« Et toi, comment tu t’appelles ? J’aimerai bien connaître le nom de mon sauveur, moi ! »

" Enchanté, Tova. Es-tu participante au pcp ? "

Le moins qu’on pouvait dire, c’est que le jeune homme n’était pas du genre à être très expressif. A vrai dire ni son air sérieux ni son regard effrayant n’intimidaient Tova, de son point de vue à elle, il n’était juste pas très dégourdit du visage. Tout le monde n’était pas du genre à montrer ses émotions à droite à gauche, après tout.

" Ou sont passées mes bonnes manières. Je suis Abel, Abel Caïn.“

« Abel Caïn, Abel Caïn, Abel Caïn.... ça sonne pas très français tiens ! Mais pas japonais non plus, enfin, ravie de te rencontrer, Abel ! »

Si la jeune fille avait pris le soin de répondre à sa présentation en premier, c’était parce que derrière, elle souhaitait se donner un peu plus de temps pour répondre à la première. Le PCP, ça lui disait quelque chose mais… c’était quoi déjà ?

Elle mit un peu de temps, devant fouiller dans sa mémoire pour retrouver les mots du cigle individuellement. C’était lié à Gakuen Toshi, elle en était sûre. En partant de là, il était facile d’y coller le mot power, la présence d’espers était bien ce qui était le plus original à la cité Académique !

[ Power… machintruc program ] récita-t-elle en anglais dans sa tête avant que ses yeux ne s’ouvrent soudain en grand : [Power Curriculum Program ! Je savais bien que ça me disait quelque chose !]

Donc Abel lui demandait si elle était une esper, finalement. Cela lui rappela qu’elle avait promis de faire ce qu’il voudrait, puisqu’elle l’avait dit elle allait maintenant devoir s’y tenir ! Le jeune  homme n’en avait pas fait mention jusqu’ici, est-ce que ça aurait un rapport avec son appartenance ou non aux espers ? Cette idée amusa la fillette qui décida de lancer un petit jeu, elle fouilla dans sa mémoire les quelques éléments qu’elle connaissait au sujet du pcp et de la transformation d’une personne lambda en esper.

« Héhéhé… est-ce que tu pourras deviner la nature de ma capacité ? C’est peut-être un peu dur comme ça, tu peux peut-être réussir à trouver mon niveau par contre ! Si tu réussis à trouver je te réserve une petite surprise tiens ! »

Ça tombait vraiment bien pour le coup, elle avait pile ce qu’il fallait pour ce petit piège qu’elle venait de tendre à son sauveteur. Ça n’était peut-être pas très réglo d’un certain point de vue, mais Tova considérait malgré tout que faire un marché avec elle serait toujours bénéfique pour la personne en face, quelle qu’en soit l’issue. Et puis accessoirement, elle avait envie d’en savoir un peu plus au sujet d’Abel, ne serait-ce que pour l’entendre parler un peu plus avec son accent Français. Les habitants de l’hexagone pouvaient dire ce qu’ils voulaient, d’un point de vue externe la marque de l'idiolecte Français sur les langues étrangères avait un certain charme à l’écoute !

« Je vais essayer de deviner aussi, pour qu’on soit deux à faire travailler notre imagination ! Toi tu es... hm… », commença-t-elle avait entrain avant de pencher la tête sur le côté en une grimace en fixant toujours le jeune homme.

« Tu eeees… fort ! Je pense ! Tu dois être au mooooins… niveau trois ! Et puis j’imagine bien une capacité qui te donne de la force, ça collerait bien avec ton visage je trouve ! »

Ça et le fait qu’il l’avait soulevée comme une poupée de chiffon. Tova avait beau être petite et légère, Abel l’avait tout de même transportée en courant sur plusieurs centaines de mètres et ce sans sembler trop en souffrir à l'arrivée. Dans la tête de la jeune fille, un pouvoir permettant d’augmenter sa force ou de produire un effet similaire était donc bien probable. Il restait donc à savoir si elle avait vu juste... et si Abel avait mordu à son hameçon.

Tova affichait une moue faussement renfrognée, les sourcils froncés. Abel avait deviné tout de suite, il y avait des limites à la perspicacité quand même ! Et puis il avait un peu ruiné sa révélation aussi.

" Raté. Je suis simplement en bonne condition physique, c'est nécessaire pour que ma capacité soit optimale. Je ne suis pas non plus niveau trois. "

« Rhalala, bravo à toi ! Je suis pas forte à ce genre de devinettes moi… »

S’il était en si bonne condition physique cependant, ça pouvait signifier deux choses pour la fillette : soit il était le type de personne à réussir partout, soit il avait misé sur son physique à cause d’un niveau d’esper faible. Enfin, elle avait raté sa chance de deviner, comme il lui avait dit, il ne servait plus à grand-chose d’essayer de trouver des informations avec ses petites méninges.

« C’est quoi ton pouvoir alors ? D’habitude les espers sont assez fiers de leur euh… réalité personnelle, c’est ça ? Mais j’aime bien les écouter, c’est vraiment intéressant ! Même si c’est souvent un peu compliqué niveau théorie… j’aime pas trop la physique. », dit-elle en se grattant l’arrière de la tête sur ce dernier aveu.

[ Hé mais d’ailleurs… ]

Avec le sauvetage inopiné et les émotions qui allaient avec, la jeune fille ne réalisait que maintenant qu’ils avaient eu une discussion assez normale, chose rare qu’elle n’avait pas pu expérimenter beaucoup depuis son arrivée à Gakuen Toshi. À part avec Hinami, ses connaissances étaient essentiellement ses producteurs et directeurs artistiques et rares étaient les discussions qui ne tournaient pas autour de son travail. Il ne fallait pas se méprendre, Tova adorait son train de vie actuel, mais entre toute l’année passée et son récent rush pour le festival qui se rapprochait à grands pas, un peu de détente de temps en temps ne faisait pas de mal. Ceci étant dit, Abel était la deuxième personne à ne pas l’avoir reconnue, et force était d’admettre que la petite blonde n’avait pas l’habitude.

« Tu aimes la musique, Abel ? Et les festivals ? Boh de toute façon ça change rien, tu veux pas me donner ton adresse ? » demanda la jeune fille d'une traite en sortant un petit calepin de son sac à dos, bourré de notes et des marques pages multicolores. Tova se rendait compte qu’elle était drôlement familière avec le jeune homme, était-ce parce qu’il lui avait filé un coup de pouce ? Elle penchait plutôt pour la seconde option, à savoir qu’il semblait être ce genre de personnes avec lesquelles elle sentait pouvoir prendre quelques libertés. Et il était Français en plus, alors pas besoin de suivre les présentations et codes japonais à la lettre, si ? Cela dit il y avait tout de même des limites, et Tova se doutait bien que personne ne donnerait facilement son adresse à une adolescente de quinze ans rencontrée à peine quelques minutes plus tôt.

« Ah, désolée de te demander ça comme ça, c’est juste que je t’ai promis une surprise, alors il faut bien que je puisse te l’envoyer après ! »

Affichant un sourire large et éblouissant, elle lui tendit le carnet ouvert à la dernière page vierge en même temps que son stylo fétiche.

« Tiens d’ailleurs, tu veux quoi en échange de mon sauvetage express ? Si tu as besoin de quelque chose je suis presque sûr de pouvoir te l’obtenir ! J’ai le bras assez long, gnéhéhé ! », ricana-t-elle sur un ton fanfaron, bien évidemment acté. Abel n’avait pas l’air de vouloir répondre à ses petites familiarités, ce qui faisait qu’elle avait maintenant un nouveau but pour la journée : arracher un sourire à ce curieux chevalier noir francophone.

Décidément, Abel ne cessait de surprendre la jeune fille. Avec son visage aux airs un peu maussades, elle aurait bien vu le jeune homme posséder une capacité offensive. M’enfin, qu’est-ce qu’elle y connaissait aux espers finalement ? Pas grand-chose.

Il pouvait voir dans le noir alors, et comme la majorité des participants du PCP, il était niveau 1. Statistiquement… elle aurait pu au moins deviner son niveau. Tova tenta d’imaginer l’utilité d’un tel pouvoir, comment l’utiliserait-elle, par exemple ? Ça serait pratique pour ne pas se cogner les orteils contre les meubles la nuit et éviter de marcher sur les boules de poils qui envahissaient sa chambre tous les soirs… et puis elle n’aurait pas à allumer la lumière ! C’était bon pour la planète, ça. Un point pour la science, un !

" Je me demandes bien ce que ce sera. "

« Uh ? », fit-elle soudain tirée de sa rêverie, « Ah oui, boh trois fois rien, mais j’ai un petit truc qui pourrait te plaire et que je ne peux pas utiliser alors autant que ce soit toi qui l’aies ! »

En vérité Tova n’avait pas la moindre idée de si sa récompense allait plaire à Abel ou non, il s’agissait d’un objet de bonne qualité qui plaisait aux gens en général, sans être un coup de cœur pour autant. Elle le saurait bien, de toute façon. Elle rangea carnet et stylo dans la poche de son sac alors que l’esper aux cheveux noirs reprenait la parole, répondant à sa dernière question.

" Garde cela pour toi, mais je suis reporter indépendant en parallèle à mes cours universitaires. On dit ça et là que des choses douteuses se déroulent dans la cité, qu'on ne nous dit pas tout.. est-ce que toi ou l'un de des "contacts" pourrait en savoir plus ? J'aimerais tenir la population au jus. "

Alors il était un genre de journaliste fantôme ? Et maintenant Tova savait également qu’il était inscrit à l’université, ce qui lui donnait une vague tranche d’âge dans laquelle elle pouvait placer le jeune homme. Maintenant qu’elle le regardait de plus près, c’est vrai qu’il semblait un peu plus âgé qu’elle, quand même.

« Oooh ! Un reporter ?! Mais c’est trop cool ça ! », s’écria-t-elle à pleine voix dans la ruelle, avant de baisser le volume de sa voix de plusieurs crans. « T’es un genre de justicier de l’information alors ? »

La révélation soulevait une bonne quantité de questions que la fillette aurait volontiers posées si elle ne savait pas retenir sa curiosité. Cela dit le fait qu’il lui demande ce genre de choses confirmait bel et bien les soupçons de la fillette : il n’avait absolument aucune idée de la personne à qui il s’adressait.

Tova Svea Skarsgård était une star de la musique connue dans le monde entier et dont les chansons faisaient fureur dans une multitude de pays aux quatre coins du globe, en revanche elle n’avait rien d’une espionne qui pourrait avoir accès à des informations cachées à la population. Et puis si des informations étaient cachées aux yeux de tous, ça devait être pour ne pas créer de problèmes non ? Des informations sensibles pourraient certainement provoquer la panique chez des personnes lambda qui pourraient prendre peur, tout simplement. Une mine plus soucieuse sur le visage, Tova exprima sa pensée à voix haute :

« Désolée, je ne pense pas pouvoir obtenir de telles informations… tu sais je suis arrivée que très récemment à la Cité Scolaire. Et puis… Abel ? Tu ne penses pas que des informations délibérément cachées le sont pour de bonnes raisons ? S’il y a réellement un problème je suis sûre que nous serons mis au courant de ce qui se passe… »

Tova pensa malgré tout à la seule personne qui pourrait détenir ce genre d’informations dans son entourage : Hinami. Elle ne l’avait rencontrée que très récemment mais elle travaillait dans les quartiers « chauds » de la Gakuen Toshi, alors si Abel cherchait des rumeurs, c’était bien par là qu’il aurait le plus de chances d’en trouver. La fillette balaya rapidement cette idée de son esprit cependant. Elle jeta un petit coup d’œil à Abel, dont l’expression n’avait pas changée d’un pouce.

« Et puis, tu ne penses pas que c’est un peu dangereux ? Tu pourrais finir par avoir des problèmes si tu écris des articles sur des informations confidentielles, et je ne parle pas de la façon de les obtenir... Surtout que, ce n’est pas en voyant dans le noir que tu pourras échapper à un mensonge ou à une convocation, si ? » fit-elle en un petit sourire.

Cette histoire d’informations confidentielles et de reporter avait réussi à l’inquiéter, c’était une première à Gakuen Toshi. Elle qui était toujours aussi insouciante s’était laissée emportée par son imagination un peu trop productive. Au fond d’elle, la fillette espérait qu’Abel n’irait pas trop loin dans ses recherches d’informations ; car elle avait vu plein de films, et dans le thème de l’espionnage un motto revenait toujours : « À qui cherche tracas, ce dernier le trouvera ».

Le visage d’Abel changea, provoquant une expression de surprise chez la jeune fille. Il lui expliqua son point de vue sur la dissimulation d’informations comme Tova l’avait fait quelques instants plus tôt. Tova se contenta de le regarder en clignant des yeux à intervalles irréguliers.

La jeune fille comprenait ce qu’il essayait de dire, mais cela ne changeait rien à sa vision des choses, elle ne pouvait partager celle d’Abel. Lui pensait que les informations sensibles étaient cachées pour faire du profit dans l’ombre, pour favoriser des actions ou entreprises peut-être et elle, à l’inverse, s’accrochait à l’idée qu’il ne s’agissait que d’une façon de protéger les citoyens d’un stress supplémentaire qu’ils n’avaient pas besoin de gérer dans leur vie. Et pourtant, Tova était loin d’être idiote. Abel avait parlé d’expérience mais elle aussi quelque part, pouvait témoigner de la sienne.

Le jeune homme reprit, n’ayant visiblement pas terminé son explication. Il justifia qu’il pouvait faire attention par lui-même et prit même la fillette comme exemple. Tova esquissa un petit sourire à sa mention, elle eut l’impression d’entendre un journaliste. Cependant, Abel n’était pas un de ces journalistes qui posait des questions simplement pour rediffuser des informations à la foule avec le sourire, non, lui ça semblait… plus compliqué. L’approche, surtout, était différente.

" J'insiste donc, c'est mon devoir. Es-tu sûre de ne connaître personne ici qui pourrait m'aider, même un peu ? J'y tiens beaucoup... tu me rendrais un fier service.

Le léger sourire de la fillette s’estompa alors qu’elle clignait des yeux, la bouche entre-ouverte en regardait la nouvelle expression que lui arborait Abel. Son visage était bien plus agréable à regarder, lorsqu’il y avait un sourire dessus.

Quelques secondes passèrent durant lesquelles Tova sembla réfléchir, ne quittant pas le jeune homme de ses grands yeux bleus. Il y tenait vraiment beaucoup à cette information… mais pouvait-elle vraiment lui donner le nom de Hinami ? Son travail était important, la déranger n’était peut-être pas la meilleure des solutions…

Finalement, la fillette esquissa un sourire à son tour, la même jolie courbure des lèvres qu’elle lui avait présentée un peu plus tôt. Les mains dans le dos sous son sac, elle se pencha un peu en avant puis ferma les yeux avant de prendre la parole.

« Tu as déjà pris des cours de théâtre, Abel ? »

Mais Tova n’attendait pas de réponse, elle passa derrière le jeune homme puis tourna sur elle-même pour le regarder, conservant la même posture.

« Tu aimes les pâtisseries ? On m’a dit qu’il y avait de très bons restaurants dans la galerie marchande ! »

Elle attendit de voir la réaction de l’esper mais reprit très rapidement la parole pour lui empêcher de trouver le temps de répondre, il ne voudrait peut-être pas venir après-tout :

« Allez, je t’invite ! Ne t’en fais pas j’ai largement de quoi payer un ou deux gâteaux, j’ai cru comprendre que les bourses d’étude dépendaient du niveau d’esper… »

Tova posa un doigt sur ses lèvres et leva les yeux pour réfléchir quelques instants puis se redressa finalement, retrouvant son sourire.

« On va faire comme ça, si tu viens manger un bout avec moi je veux bien te donner un indice sur les rumeurs, ça marche ? »

Encore une fois, elle n’attendit pas de réponse et se dirigea tranquillement en dehors de la ruelle. L’attroupement de fans devrait s’être dispersé maintenant, alors elle ne risquait pas de se faire chasser comme un ballon par une groupe de rugbymen cette fois-ci. Elle sortit malgré tout sa paire fétiche casquette-lunettes-de-soleil pour passer incognito –seulement dans son esprit, malheureusement. Elle assuma qu’Abel l’avait suivie, ou en tout cas elle l’espérait, sa proposition aurait dû être alléchante vu son instance pour avoir l’information. Un sourire nostalgique se dessina sur le visage de la jeune fille. Sans se retourner, elle dit donc :

« Je te fais confiance Abel. Tu as dit tout à l’heure que j’avais pu devenir célèbre même sans pouvoir… c’est pas exactement vrai. Mon pouvoir à moi, c’est la musique. »

Abel aurait son information, la jeune fille n’aimait pas mentir, mais par respect pour Hinami, elle se devait d’en savoir un petit peu plus sur Abel. Elle ne pouvait pas lui envoyer n’importe qui, bien sûr elle ne pensait pas que le jeune homme était quelqu’un de mauvais, il l’avait même tirée d’un mauvais pas. Cela dit du point de vue de la petite blonde, il était dans leur intérêt commun qu’ils discutent d’avantage ; pour lui car il avait visiblement besoin de l’information et pour elle… et bien, elle n’avait pas encore eu le sourire qu’elle voulait voir apparaître.

" On dit que la musique est un langage universel. Cela explique son impact sur le monde j'imagine, ta célébrité par extension. "

Dire que Tova était contrariée aurait été bien trop fort, mais il était néanmoins vrai qu’elle trouvait Abel assez froid dans sa façon de penser. Ça n’était pas négatif, du moins pas dans le cas présent, mais habituée à ce qu’on lui jette des fleurs à tort et à travers elle trouvait que la remarque du jeune homme sortait du lot. Pour lui, sa célébrité n’était due qu’à la nature de la musique, pas à un talent ou à du travail acharné. Quelque part, Tova ne pouvait nier que tout était allé très vite pour elle. Cela dit, que sa notoriété soit le fruit de son talent ou de son travail ou d’aucun des deux, le comportement du jeune homme avait quelque chose de rafraichissant.

Abel semblait toujours comme imperméable à ce qui l’entourait, et pourtant la dissimulation d’informations était quelque chose qui le faisait réagir. Peut-être était-il plus du genre à s’exprimer par ses actions que par son comportement ?

La jeune fille, énergique et pleine de vie comme à son habitude tentait tant bien que mal de deviner comment fonctionnait Abel, après tout c’était un peu triste de ne rien montrer, non ? De son point de vue ça l’était, et c’était pourquoi elle voulait le voir sourire avant qu’ils ne se séparent.

« C’est ça ! » sourit-elle, « C’est une langue sans frontière ! »

La passion pouvait se lire dans son regard comme s’entendre dans sa voix, c’était quelque chose qu’on avait maintes fois répété à la jeune fille ; lorsqu’elle parlait de musique n’importe qui comprenait qu’elle éprouvait des sentiments forts à l’égard du quatrième art.

Tova guida le jeune homme pendant quelques minutes dans la galerie souterraine, semblant chercher une enseigne particulière jusqu’à finalement trouver ce qu’elle cherchait.

« Ah, c’est ici ! J’ai eu un peu de mal, la lecture du japonais est épineuse de temps en temps. » s’exclama-t-elle avant de laisser échapper un petit rire.

L’endroit n’était pas très grand mais bien décoré, une dizaine de tables tout au plus avec des tableaux et illustrations ornant les murs. Certaines représentaient des desserts, d’autres des chefs et pâtissiers ayant probablement travaillé ou collaboré avec l’enseigne par le passé. Une douce odeur de chocolat parfumait l’ensemble de la pièce, provenant directement des cuisines.

Une fois le duo installé à une table, Tova décida de s’expliquer un petit peu. Elle prit la carte.

« C’est une pâtisserie spécialisée en desserts Suédois ! Je suis de là bas alors j’ai noté toutes les adresses, histoire de comparer ! Sois libre de prendre ce que tu veux, c’est impossible de ne pas aimer un dessert Suédois, de toute façon. »

Un serveur vint rapidement prendre leurs commandes et Tova ne se priva sur la quantité, Kanelbullar, Hallongrottor et autres spécialités dont le nom pouvait contraster avec le goût viendraient gentiment se faire dévorer par la fillette. La petite blonde se promit mentalement de pallier ce petit excès avec une séance de sport supplémentaire, un jour.

« Bon, fit-elle après un petit moment, je sais que je t’ai promis cette info, mais j’aimerai quand même en savoir un peu plus. Je ne peux pas juste t’envoyer vers la première personne que je connais si je ne sais pas ce que tu prévois de faire, ça va me travailler pendant des semaines sinon… Par exemple, qu’est-ce qui t’a donné envie d’être reporter ? »

[ Et puis ça marche comment, le travail de reporter d’ailleurs ? ]

Si Tova posait des questions, elle ne voulait pas pour autant faire passer un interrogatoire au jeune homme. La vérité était qu’elle était malgré tout très curieuse quand à ce que prévoyait de faire l’esper. Vu la façon dont il avait abordé la chose, elle avait du mal à croire qu’il en se mettrait pas dans le pétrin. Enfin, ce n’était peut-être qu’une impression ; la psychologie s’éloignait tout de même pas mal de la musique après tout.

Si c’était impossible ? Évidemment que c’était impossible. Tova avait visité plus de pays qu’elle ne pouvait en compter sur ses doigts et avait goûté à autant de cultures et donc de différents types de spécialité. Suédoise dans l’âme cependant, la nourriture suédoise avait une petite place privilégiée dans son cœur.

" Et bien... as-tu entendu parler d'Edward Snowden et de Julian Assange ? Mon but est commun. Ils m'ont inspiré, rien de plus rien de moins. "

La fillette se pinça légèrement les lèvres à cette réponse, elle aurait voulu entendre bien plus que seulement ça. Abel ne semblait pas vouloir lui donner plus d’informations que cela, Tova avait beau avoir comprit qu’il n’était pas du genre bavard, elle pensait qu’il ferait malgré tout quelques efforts pour obtenir ce qu’il voulait. Puisqu’il semblait avoir ce certain talent d’acteur, elle était persuadée qu’il en était capable, même à contre cœur. Elle décida donc de jouer le jeu, malgré le fait que mener ce genre de négociations était quelque chose qu’elle n’aimait pas du tout.

« C’est assez vague, comme réponse… », fit-elle sur un petit ton déçu. « Ça ne m’aide pas beaucoup tu sais. Dis m’en plus, donne-moi des détails, des choses qui pourraient m’aider à me faire une image de toi. »

Elle porta une main à son menton puis leva les yeux pour réfléchir quelques instants. Ses questions n’étaient peut-être pas assez précises, Abel n’avait répondu qu’à ses questions directes. Autrement dit il ne prévoyait pas de meubler la discussion. La petite star n’avait que peu de choix dans ce cas, tant pis s’il se sentait interrogé, elle avait besoin de récolter des informations avant de décider si elle le mettait en contact avec Hinami. Elle manqua de faire la grimace à cette pensée, voilà qu’elle se mettait elle-même à réfléchir comme un journaliste !

« Dis-moi par exemple, ce que tu comptes faire une fois que tu auras connaissance de ces informations ! Dis-moiii… comment tu es devenu reporter ! Quelles ont été tes premières publications, sur quels sujets tu as travaillé ? Quels sont les dangers que tu as pu rencontrer et comment tu t’en es sorti ? Jusqu’où es-tu allé pour avoir des informations ? J’ai besoin de détails Abel, sans ça j’aurai mes propres actes sur la conscience. »

Elle le gratifia d’un pauvre sourire. Elle le pensait du fond du cœur, son inquiétude était réelle. Tova ne voulait pas se faire une image construite sur ses premières impressions comme elle ne voulait pas faire d’erreur. Abel lui était venu en aide après-tout, mais ce faux sourire qu’il lui avait offert, peut-être c’était là ce qui inquiétait le plus la fillette.

Abel répondit scrupuleusement à chacune des questions posées par la jeune fille, lui parlant d’abord de sa méthode habituelle puis de ce qui l’avait amené à devenir reporter à son propre compte. Tova l’écoutait avec attention, réalisant malgré elle que le jeune homme semblait tout voir avec négativité, sans forcément chercher un côté positif aux informations qu’il dénichait. Son ton était presque accusateur aux yeux de la fillette, mais elle-même ne se serait jamais permise de le juger. Ainsi elle enregistra mentalement le nom du site du jeune homme, se promettant d’y jeter un coup d’œil le soir même.

" J'ai vu plusieurs skill out tenter de me faire la peau, quelques professeurs de mon université tenter de me mettre dehors... mais avec un peu d'habileté et de persuasion, aucun de mes adversaires n'a pu me nuire. A vrai dire, menacer un journaliste est la pire chose à faire. J'ai plus ou moins risqué ma peau avec skill out pour en apprendre plus à leur sujet, mais je suis toujours ici et en un seul morceau après tout. A vrai dire je n'ai même rien qui pourrait potentiellement m'arrêter dans mes recherches pour le moment, je me suis toujours montré plus habile. "


Tova grimaça légèrement à ces paroles, comme elle le redoutait le danger semblait aller de pair avec la recherche d’informations d’Abel. Pire encore, elle avait l’impression qu’il tirait une certaine fierté d’avoir réussi à se tirer de situations difficiles par lui-même.

« Soka, c’est bien dangereux alors… »

Ce fut le moment que choisit le serveur pour leur apporter desserts et boissons avant de s’éclipser poliment. La fillette hésita à prendre un morceau de beignet mais se ravisa ; priorité à la discussion.

Tova expira un bon coup, plus qu’un soupire il s’agissait là d’une façon d’évacuer les pensées qu’elle avait laissées s’emmagasiner dans son esprit pour réfléchir d’une façon plus rationnelle. Une technique qu’elle avait utilisée maintes fois au théâtre ou lors de ses préparations à un passage sur scène.

« Tu m’as l’air vraiment déterminé par contre, et ce n’est pas comme si je voyais un moyen de te dissuader de continuer alors que tu fais ça depuis des années. »

C’était là ce qui dérangeait peut-être le plus Tova, même si ce passe-temps –ou travail, selon le point de vue- était dangereux, il s’agissait de quelque chose qu’Abel faisait depuis longtemps. Tant qu’une entreprise ne gênait personne, comment pouvait-elle s’y opposer réellement, et de quel droit surtout ? En outre, même si elle essayait elle doutait fort qu’Abel l’écoute et cesse ses activités du jour au lendemain pour ses beaux yeux. Enfin, ça lui aurait grandement facilité la tâche ceci dit. Mais s’il devait risquer de se faire attaquer dans une ruelle sombre, elle préférait encore lui fournir l’information elle-même.

Ayant pris sa décision, la petite blonde attrapa sa fourchette et la planta sans un mot dans l’un des beignets de son assiette, souffla un « Bon appétit » puis mordit dans le beignet à pleine dents. Dieu que c’était bon, avec ça elle se sentirait mieux !

Elle attrapa son téléphone orné d’innombrables accessoires et commença à tapoter dessus. Bientôt, un air satisfait se dessina sur son visage. La fillette lança un regard pétillant vers Abel :

« Voilà ce qu’on va faire, si tu me promets d’être prudent j’accepte de te mettre en contact avec quelqu’un qui pourra te renseigner. Et en échange, tu viendras à mon concert du Ichihanaransai. Deal ? »

Ses yeux bleus fermement ancrés sur le regard du jeune homme, elle tendit la main par-dessus la table. Sa lueur de détermination intacte, elle répéta : « Deal ? »

" Deal. ", fit finalement Abel en lui serrant la main.

Maintenant que l’accord/contrat/pacte était signé, le visage de Tova s’illumina : elle avait gagné ! Bien sûr l’idée ne l’enchantait pas tant que ça mais c’était tout ce qu’elle pouvait entreprendre pour Abel en l’état. À défaut d’être une solution, c’était une petite sécurité qui l’empêcherait de se morfondre pendant des jours.

" Je viendrais sûrement avec ma petite soeur. "

« Oh ! Tu as une petite sœur ? Si elle apprécie le concert je pourrais lui envoyer un autographe à ton adresse. On risque de ne pas se voir pendant le festival mais tu pourras lui remettre facilement. Comment elle s’appelle ? »

La jeune fille allait peut-être un peu vite en besogne mais il s’agissait là de sa façon à elle de contrebalancer avec son contrat légèrement forcé, une habitude dont elle n’avait jamais réussi à se défaire. L’ichihanaransai n’était pas pour tout de suite et il était fort probable que la rencontre avec Hinami ait lieu avant, évènement que Tova s’assurerai de suivre de près.

Un peu perdue dans ses pensées, elle enfonça sa fourchette dans une autre pâtisserie, se demandant sans réellement le vouloir ce qui avait pu motiver quelqu’un comme Abel à se plonger dans un passe-temps tel que celui-là. Pour être si éloignés l’un de l’autre, ils venaient à nul en douter de mondes tout aussi différents.